EDITO
Migrations : l’impossible équation
Comment ne pas comprendre qu’un pouvoir, voyant les électeurs placer en tête un parti populiste qui surfe presque exclusivement sur la question des migrations, soit tenté de répondre à cette pression ?
Comment ne pas comprendre que des partis qui ont de tout temps défendu les valeurs de l’altruisme, de l’ouverture, de l’accueil, de la solidarité, ne vont pas se déjuger du jour au lendemain ?
Comment se défendre de l’idée, même si elle fait mal, que « quelque part », les humanitaires qui sillonnent la mer pour recueillir les naufragés sont un peu complices des passeurs ?
Comment ne pas enrager en voyant que tous les plans élaborés au niveau européen, qui combinent efficacement et humainement les exigences contradictoires de la solidarité et de la lucidité, échouent sur la résistance opiniâtre d’un Orban, bientôt suivi par d’autres illibéraux taillés dans le même bois ?
Comment ne pas se dire qu’à y regarder de près, une solution à la Meloni, qui consiste à rassembler des demandeurs d’asile en Albanie où on leur accorde les délais nécessaires pour déposer leur demande en toute sécurité, n’est pas si absurde ?
Comment ne pas fulminer quand on voit l’extrême droite et la droite extrême se répandre en mots creux sur un supposé arrêt de l’immigration, dont chacun sait qu’il est tout bonnement impossible, et dans tous les cas pas souhaitable ?
Comment ne pas reconnaître qu’au moins dans certains contextes, comme à Mayotte, le droit du sol pourrait être revu sans que les principes républicains en soient pour autant bafoués ?
Toutes ces questions, et bien d’autres encore, se croisent pour rappeler que les seules solutions envisageables, s’il en est, ne le sont qu’à la condition d’équilibrer rigueur et justice, respect du droit et créativité politique. Et surtout, à la condition qu’existe un certain consensus sans lequel les fractures ne peuvent que s’aggraver et le débat public perdre encore en crédibilité.
On ne peut que souhaiter au gouvernement en place qu’il trouve cet équilibre. Le Pacte européen « asile et immigration » en est une expression ; la loi immigration du 26 janvier 2024, malgré ses faiblesses en grande partie imputables au jusqu’au-boutisme de la gauche, n’en est pas très éloignée. Confrontés à des situations caricaturales où l’humanisme confine à la naïveté, il faut bien se faire à l’idée que ce n’est pas forcément nous qui renonçons à nos valeurs, mais c’est la situation même qui nous oblige à les adapter.
Et faire le constat qu’en tout état de cause, sur une « question » aussi délicate que celle de l’immigration, un référendum ne peut en aucun cas apporter de réponse.
Jean-Luc BERNET
Membre fondateur du cercle de réflexion Progressistes du Possible
Février 2025