EDITO
Gouvernement Bayrou. Quelles qualités attend-on d'un ministre ?
À bien y réfléchir, on s’attend à ce qu’il (simplifions : il ou elle, bien sûr) soit, dans le désordre : intègre, travailleur, démocrate. Napoléon ajouterait sans doute : qu’il (elle) ait de la chance. Et compétent, non ? C’est vrai, est-il important pour un ministre d’être compétent ? Sans doute cela vaut-il mieux que le contraire, l’incompétence. Mais dans quel sens faut-il prendre le mot ? S’agit-il de compétence de technicité ? Ou de compétence d’autorité ? Ou, plus insaisissable encore, de « compétence de réseaux » ? Bonne chance à qui veut déterminer avec rigueur ce qui fait un « bon » ou un « mauvais » ministre. Même si chacun a quelque part une idée assez arrêtée sur les « mauvais » ministres qui ont traversé plus ou moins brièvement la scène politique.
Cela dit, il n’y a pas de ministres sans gouvernement. Or si on peut s’interroger a priori sur un (une) ministre en particulier, au vu notamment de ce qu’on sait de son parcours, l’exercice est plus délicat s’agissant d’un gouvernement dans son entier ; surtout lorsqu’il a connu, comme dans le cas présent, une naissance plus que laborieuse et a été accueilli, dès les premiers instants, par toutes sortes de menaces. Devant les nombreux dégâts, qu’on n’a pas fini de mesurer, causés par la censure du 4 décembre, on aurait pu espérer d’une partie au moins de la gauche sinon un soutien, du moins un minimum de mansuétude à l’égard de Bayrou. C’était sans doute trop demander.
En réalité, le principal reproche qui est fait au premier ministre est de reprendre des gens qui ont déjà payé de leur personne. « C’est du recyclage », entend-on. Le fait est qu’il est rare de retrouver, dans un même Gouvernement, pas moins de deux anciens Premiers ministres. Dont il serait injuste de dire qu’ils ont démérité, et dont on peut attendre qu’ils mettront, dans leurs nouvelles fonctions, l’expérience acquise dans les anciennes. D’autres personnalités laissent davantage perplexe. Soit parce que leur présence même attire un surcroît d’exaspération à gauche (exemple Retailleau, alors même que Xavier Bertrand a été de toute évidence écarté pour ne pas fâcher le RN) ; soit parce que, comme dans le cas de Rachida Dati, la corruption avérée qui lui vaut déjà quelques poursuites (et ce n’est pas fini) ne manquera pas d’être une gêne pour le gouvernement, qui n’a pas besoin de ça.
D’un autre côté, il y a des personnalités qui ont prouvé à la fois leur capacité de travail, leurs convictions, leur connaissance des dossiers, parfois depuis plusieurs années, y compris à des postes différents, comme Agnès Pannier-Runacher, ou comme Sébastien Lecornu confirmé à la Défense (ministère de première importance aujourd’hui, ce qu’il n’a pas toujours été). D’une manière générale, il y a dans ce gouvernement, compte tenu du nombre non négligeable de personnalités issues de la gauche - même si elles sont en rupture de ban avec le PS ou d’autres formations - un certain équilibre qui n’est que rarement relevé par les observateurs et les médias.
Il y a donc aussi des gens qui cochent les critères d’intégrité, d’esprit démocratique et de capacité de travail, qui devront cohabiter avec des collègues moins recommandables - ou moins éprouvés - dans un Gouvernement auquel on ne peut que souhaiter qu’il apporte enfin la stabilité dont l’absence est si coûteuse. Et des gens qui, de surcroît, ont ce quelque chose en plus qui s’appelle la compétence.
Le pari est hasardeux. Mais pour nous, Progressistes du Possible, même si la solution choisie n’est pas sans défauts, nous espérons y trouver au moins un début de satisfaction de l’ardente obligation qui doit s’imposer à tout responsable politique, à savoir : la recherche de l’intérêt général. Ce qui doit être son principal, voire son unique objectif.
Jean-Luc BERNET
Membre fondateur du cercle de réflexion Progressistes du Possible
Janvier 2025